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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2010-03-01 | [Acest text ar trebui citit în francais] | Înscris în bibliotecă de Dolcu Emilia
IV
„Ha, ha, ha! Après cela, vous trouveriez matière à jouissance jusque dans une rage de dents!’ vous exclamerez-vous en éclatant de rire. - Et pourquoi pas? vous répondrai-je, la rage de dents ne va pas sans jouissance. J’ai eu mal aux dents un mois d’affilée, je sais que jouissance il y a. Ėvidemment, là, on ne rage pas en silence: on gémit; mais ces gémissements ne vont pas sans artifice, ils sont sournois, et c’est justement la sournoiserie qui fait tout le sel de l’affaire. C’est dans ces gémissements que s’exprime la jouissance de celui qui souffre; car s’il n’en éprouvait pas, il ne se donnerait pas la peine de gémir. L’exemple est bon, messieurs, et je vais le développer. Ces gémissements expriment d’abord la parfaite inutilité – si humiliante pour notre conscience – de notre douleur; toute la légitimité de la nature sur laquelle, bien entendu, on crache, mais dont on souffre quand même, et elle non, voyez-vous ça! Ils disent qu’on est conscient de ne pas se trouver d’ennemi, mais qu’on souffre quand même; conscient que les Wagenheim¹ de tout poil n’y peuvent rien, qu’on est entièrement esclave de ses dents; que si quelqu’un le veut, elles cesseront de vous faire mal, mais s’il ne le veut pas, cela peut durer trois mois de suite; et enfin, si l’on n’est toujours pas d’accord et que l’on s’obstine à protester, il ne reste plus, pour sa consolation personnelle, qu’à s’administrer soi-même une bonne raclée ou à envoyer quelques coups de poings bien douloureux dans son mur, et strictement rien de plus. Et alors, c’est justement de ces injures sanglantes, de cette dérision venue on ne sait d’où, que naît une jouissanace qui atteint parfois le comble de la volupté. Je vous en prie, messieurs, prêtez un jour l’oreille aux gémissements d’un homme cultivé du XIXe siècle qui souffre des dents, comme ça, vers le deuxième ou le troisième tour de sa maladie, lorsqu’il commence déjà à gémir autrement qu’au premier jour, c’est-à-dire pas uniquement à cause de la douleur; pas comme quelque fruste moujik, mais comme un homme touché par le progrès et la civilisation européenne, comme un homme „détaché du sol natal et des principes nationaux”², comme on dit à présent. Ses gémissements se font écœurants, hargneux, infects et durent des nuits et des jours entiers. Pourtant il sait bien qu’il n’en tirera aucun avantage; il sait mieux que personne qu’il s’échine et s’énerve en pure perte , et les autres avec lui; il sait que même le public devant lequel il s’escrime, et sa famille entière se sont, non sans répulsion, habitués à ses cris, qu’ils ne lui font plus un liard de confiance et se rendent compte sans rien dire, qu’il pourrait gémir autrement, avec plus de simplicité, sans roulades ni contorsions, et que s’il s’amuse à cela, ce n’est que par méchanceté et par sournoiserie. Or, voyez-vous, c’est justement dans ces états de conscience et de honte que se cache la volupté. Autant dire: „ Je vous dérange, je vous fends le cœur, j’ empêche toute la maisonnée de dormir. Et bien, justement, ne dormz pas, sentez vous aussi, à chaque minute, que j’ai mal aux dents. Je ne suis plus le héros pour lequel je voulais me faire passer, rien d’autre qu’un triste sire, qu’un chenapan*. Et alors? Ainsi soit-il! Je suis ravi que vous m’ayez percé à jour. Cela vous soulève le cœur d’entendre mes sales petites plaintes? Eh! Laissez-le se soulever! Tenez, je vais vous gratifier d’une roulade encore plus écœurante…” Et vous n’avez toujours pas compris, messieurs? Non, sans doute faut-il avoir atteint à un profond développement, à une profonde prise de conscience pour comprendre tous les méandres de cette volupté. Vous riez? Vous m’en voyez ravi. Ėvidemment, mes plaisanteries sont de mauvais goût, messieurs, inégales, embrouillées, elles manquent d’assurance. Eh quoi? Cela, parce que je ne me respecte pas moi-même. Mais comment un homme conscient le pourrait-il? Notes 1. Il y avait à l’époque plusieurs artistes de ce nom (par simple homonymie) dont la réclame paraissait très souvent dans les journaux de Pétersbourg. |
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