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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2010-06-25 | |
DAN MIHAI PSATTA : Traduceri din poezia românească
MIHAI EMINESCU (Version réalisée par D.M. Psatta, 2009) Oh, mère Oh mère, douce mère, du gouffre plein d’effroi Par le langage des feuilles tu me demande à toi; Au dessus de la cripte noire du très sacre couvent Les accacias s’agittent dans la pluie et le vent... Ils frappent légèrement leurs branches, imitent ton discours, Toujours vont ils se tordre, tu dormira toujours. Quand je mourrai ma mie, j’implore ne pleures pas, Du tilleul saint et pur une branche tu arrachera Pour l’enterrer ensuite soigneuse à mon chevet, Elle poussera sereine, par tes larmes arrosée... La sentirai-je une fois ombrant la fin du jour, Toujours croîtra son ombre, je dormirai toujours. Et si par chance ensemble nous mourrons embrassés, Qu’ils ne nous portent pas dans des tristes cimtiers, Qu’ils nous creusent la fosse auprès d’un ruisseau, Qu’ils nous mettent tous deux dans le même tombeau... Tu sera à jamais près de moi, mon amour, Toujours pleureront les vagues, nous dormirons toujours. Revoir - Oh forêt, ma petite forêt, Que fais-tu, mon mignonnet? Car depuis que je t’ai vu Tant de monde j’ai parcouru, Depuis que je m’éloignais Tant de jours se sont passés... - Oh, je fais ce que je fais toujours, J’écoutte l’hiver les vautours, Le vent mes branches rompant, L’eau des ruisseaux bloccant, Enneigeant les sentiers Et chassant les chansonniers. Et je fais ce qui m’en va, J’écoute l’été la doïna Dans la route de l’eau vive Que j’ai donné aux convives... Decorées de camomilles Me la chantent alors les filles... - “Forêt miroitant dans l’onde, Le temps passe pour tout le monde; Toi, si jeune depuis longtemps, Est plus jeune maintenant… « - Qu’est ce le temps si des siècles Les étoiles tournent en cercles?... Soit le temps beaux ou mauvais, Mon vent souffle, ma feuille naît... Soit le temps carré ou cube, Pour moi coule le Danube ! L’homme seul est vieillissant Sur la terre en errant... Mais nous, nous restons sur place Avec la même audace : Nous, les fleuves et la mer, La montagne, les déserts, La lune et le soleil, La forêt aux feuilles vermeilles. Qu’est ce que je te souhaite. Qu’est ce que je te souhaite douce Roumanie, Mon pays de gloire, mon pays si pur? Des exploits suprêmes, une force infinie, A ta fière histoire glorieux futur! Que le vin enflamme, que les coeurs s’enlacent, Quand tes fils terribles en combat se jettent, Car la roche résiste quand les vagues passent... Douce Roumanie, ça je te souhaite! L’ange de l’amour, l’ange de la paix Sur l’autel de Vesta simple souriant Quand Mars dans sa gloire éblouir il fait Avec la lumière de son phare ardent... Laisse le descendre sur ton sol mirable, Fais-lui gouter joies de paradis, Serre-le dans ta foi, fais lui retable, Douce Roumanie, ça je te prédis... Qu’est-ce que je te souhaite douce Roumanie, Jeune fiancée, mère des enfants, Fais-les toujours vivre tous en harmonie Comme les étoiles, les aubes triomphants! Puissante patrie, éternelle vie, Existence parfaite, héros et poêtes, Rêves de victoire, gloire, phrénésie, Douce Roumanie, ça je te souhaite! Venise Elle est passée la vie de la fière Venise: Plus de chansons maintenant, plus de joies festives, Au delà des vieux portails et tout au long des rives La lune blanchit les murs qui agonisent. Okéanos seul et jeune quoi qu il arrive ; Il pleure par les canaux de couleur grise, Il rendrait sa fiancée la vie exquise, Frappe les vieux murs du bourg, flots obsessives. Comme dans un cimetière, silence est dans la ville ; Prêtre resté vivant depuis des temps absconses, Avec une voix profonde, langage de Sibylles, San Marc sinistre minuit annonce, En lançant vers le ciel ces paroles solennelles : « Ne reviennent plus les morts, tout est en vain ma belle »... Glosse Le temps passe, Le temps revient, Tout est neuf et tout est vieux ; Que sont le mal et le bien Te demande toi, parbleu ! N’espère pas et n’aie pas peur Car les vagues comme des vagues passent, S’ils t’appellent avec vigueur Toi garde ta cuirasse ! Devant nous passent beaucoup de choses, Beaucoup sonnent à l’oreille. Qui se rappelle chaque rose ? Qui écoute toute merveille ? Toi, tu restes à côté Retrouvant ton maintien Lorsque avec sa vanité Le temps passe, le temps revient... Tournes pas même sur les pointes Tes principes et ta rigueur Vers cette réalité changeante Pour un masque de bonheur. Elle renaît de son passé Et ne dure que très peu ; Pour celui qui la connaît Tout est neuf et tout est vieux. Spectateur comme au théâtre, Toi, écoute chaque parole ; Même si quelqu’un pose pour quatre Tu devineras son rôle. Et s’ils hurlent les comparses Amuse toi, ne crains rien, Tu comprendras de leur farce Que sont le mal et le bien. Le passé et le futur Sont les deux aspects des choses ; Connaîtra bien leur nature Qui comprend métamorphoses. Choses futures et choses passées Sont présentes au milieu, Mais de leurs utilité Te demande toi, parbleu! Car toujours aux mêmes aires Se soumettent ceux qui existent, Et depuis des millénaires Le monde est heureux ou triste. Autres masques, le même spectacle ; Autres bouches, la même rencoeur. Echappé comme par miracle, N’espère pas et n’aie pas peur! N’espère pas quand les voyous Trouvent la voie sur le marché, Te dépasseront les fous Même si tu serais marqué. Assidus ils font campagnes, Tu verras comme ils s’enlacent; Ne deviens pas leur compagne Car les vagues comme des vagues passent. Avec des chants de sirène Le monde t’attire dans ses gouffres ; Pour changer acteurs en scène Il pourchasse ceux qui souffrent. Ne quitte pas ta redoute, Evite leur appel menteur ; N’abandonne pas ta route S’ils t’appellent avec vigueur. Pas un geste quand ils vous veillent, Pas de réponse aux bavures ; Que veux tu de tes conseils, Quand tu connais leur mesure? Qu’ils disent ce qu ils veulent dire, Passe au monde ce qui passe; Pour que rien ne t’inspire, Toi, garde ta cuirasse. Toi tu gardes ta cuirasse S’ils t’appellent avec vigueur, Car les vagues comme des vagues passent ; N’espères pas et n’aie pas peur. Te demande toi, parbleu, Que sont le mal et le bien ; Tout est neuf et tout est vieux... Le temps passe, le temps revient. Ode Je ne croyais pas apprendre à mourir une fois... Toujours jeune, entouré de ma cape, Je levais mes yeux en rêvant vers l’étoile de la Solitude!... Quand tout à coup toi tu apparus dans ma route Oh souffrance, toi, douloureusement douce ; Jusqu’au fond j’ai bu la volupté de la mort Impitoyable. Seul je meurs brûlant, torturé comme Nessus, Or comme Hercule, brûlé par sa propre chemise, Mon feu éteindre ne peuvent eteindre Toutes les eaux de la terre. Par mon propre rêve dévoré je souffre, De ma propre bûche je supporte les flammes. Puis-je ressusciter lumineux du feu ainsi Que l’oiseau Phoenix ? Loin de moi les yeux troublants qui m’obsèdent ! Reviens à mon sein indifférence triste. Pour pouvoir mourir apaisé, redonne moi A moi même !... L étoile L’étoile qui à peine parut Est si lointaine, Que des milliers d’années on du A sa lumière qu’elle vienne. Peut-être morte depuis longtemps, Dans les espaces perdue, Sa lumière à peine maintenant Eclaire notre vue. L’icône de l’étoile mourante Dans les cieux s’élève, Nous la voyons quoi qu-elle absente ! Son existence : un rêve. Ainsi quand le plaisir d’amour Périt et se déplore, La lumière des faibles jours Nous suivit encore. . Soirée à la montagne Le soir aux monts la corne sonne si triste, Les troupeaux montent, les étoiles brillent, existent, Les eaux qui pleurent claires surgissent des fontaines, Sous un beau frêne chère m’attends tu seraine. La lune au ciel passe si sainte et claire, Tes grands yeux explorent le feuillage solitaire, Les étoiles naissent, fraîches du néant elles sortent, Mon âme d’amour, mon front de rêves déborde. Les nuages coulent, rayons fades les crèvent, Des vieux toits les maisons dans l’ombre soulèvent, Grince vaguement la roue du puit dans les airs, Montent les fumées, flutes murmurent bergères... Les paysans, portant sur épaules leurs fauches, Rentrent des prés. Sonnent pour vêpre les cloches: Leurs voix sonores remplissent le soir de dièzes, Mon âme ardente brille d’amour comme la braise. Oh, maintenant le village dans sa vallée s’entoure, Oh, maintenant mes pas vers ma bien aimée courent... Près du vieux frêne resterons nous toute la nuit, Des heures entières te dirai-je combien tu es chère à ma vie... Nous pencherons nos têtes l’un contre l’autre, Et, souriants, nous nous endormirons sous nôtre Arbre béni. Pour une nuit aussi claire Qui des humains ne donnerait sa vie entière!? Hypérion Il y avait, comme dans les contes De rêve et d’harmonie, Dans une famille de grands comtes Une très jolie fille. Elle était seule parmi les siens Et fière de sa morale, Comme la vierge parmi les saints, La lune entre étoiles. Des sombres voutes de son manoir Elle calme se dirige Vers la fenêtre ou chaque soir Le Prince du Ciel se fige. Le voit au loin quand sur les mers Il s’élève, illumine Un grand sillage de mystère, Que les bateaux fascine. Le voit un jour, le voit le second, Les sentiments la comblent. Lui s’éprendt d’amour profond La regardant dans l’ombre... Comme sa tête elle appuyait, Ses premiers rêves de femme D’un grand désir lui remplissaient Son coeur et son âme. Et lui s’allume tellement beau, Merveille dans son être, Quand des terrasses de son chateau Elle va lui apparaître. Puis pas à pas derrière elle Pénètre dans la chambre, Tissant une toile d’étincelles, Une fine tissure d’ambre. Et quand l’enfant se tendt au lit Sur son corp réverbère, Lui touche léger le bras polis, Ferme sa paupière. Elle le regarde en souriant, Il tremble discret dans l’ombre, S’y attachant en rêve charmant A son belle âme sombre. Surprise dans son sommeil, elle soupire En lui parlant naïve: - „Pourquoi ne viens tu pas, beau Sire, Oh, roi de ma nuit, arrive! Descends sur terre, oh mon doux Prince, Sur une échelle divine, Pénètre dans mon âtre mince, Ma vie illumine!”.. Il écoutait presque tremblant, Appreciait le monde, Et se jetait en foudroyant, Dans la grande mer profonde. L’eau dans laquelle il a fondu Tourna en cercles brèves, Des profondeurs inconnus Un beau jeune homme s’élève. Léger il passe comme un son Le bord de la fenêtre, Et porte en main un long batton Encouronné de hêtre. Il ressemblait à un jeune roi Aux tresses blondes, dorées, Un fin linceul de mauve soie Sur les épaules noué, Mais le visage transparent Et blanc comme la cire: Un mort superbe aux yeux ardents, Qui ne cessaient de luire. - „Des amples sphères j’arrive à peine Pour obéir ta voix, La chaude mer est ma marraine Et le soleil mon Roi. Pour arriver dans ton autel, Voir tes yeux si beaux, J’ai descendu de mon ciel Et je naquis des eaux. Oh viens mon chère diamant, Quitte cette terre infame, Je suis l’étoile du firmament Toi, deviens ma femme. Dans des palais éblouissants Tu passera des siècles, Et tout le monde dans l’océan Obéira tes regles.” - „Oh, tu est beau comme dans le rêve Un ange nous se donne, Mais sur la voie que tu observe Ne peut aller personne. Etrange en dire et en port, Tu luis presque sans vivre; Car je suis vive, tu es mort, Et ton regard me givre”. *** Passa un jour, et même trois, Encore la nuit qu’il vienne Le brillant phare au dessus de soi, Avec lueurs seraines. Elle dut dans son moitié sommeil Se rappeler son charme, Et tout à coup son vieil Amour encore la desarme. - „Descends sur terre, oh mon doux Prince, Sur une échelle divine, Pénètre dans mon âtre mince, Ma vie illumine!” Parce-que du ciel il entenda, Il s’éteignt d’amertume; Et le ciel entier tourna En tourbillons posthumes. De l’horizon des flammes rouges S’étendent sur tout le monde, Et du chaos, les airs qui bougent Une haute image innondent. Sur les beaux tresses de noirs cheveux Lui brule la couronne; Il vole fantaste comme le feu Et son allure rayonne. Du noir linceul flottant au vent Sortent des bras d’opale; Il vient triste, en pensant, Le front hautin et pâle. Ses yeux grands et chimériques Luisent sans mesure, Comme deux grandes passions mystiques, Pleines de lieux obscures: - „Des amples sphères j’arrive à peine Pour écouter ta voix; La chaude mer est ma marraine Et le soleil mon Roi. Oh viens mon chère diamant, Quitte cette terre infame, Je suis l’étoile du firmament, Toi, deviens ma femme! Oh viens que sur tes cheveux clairs Je pose couronne d’étoiles; Que sur mes cieux tu éclaire Plus fière que tes voiles”. - „Oh tu es beau comme dans nos rêves Le démon nous se donne; Mais dans la voie que tu relève Ne peut aller personne. Fait peine ton cruel amour Dans ma pauvre âme nule, Tes grands yeux brulent alentours, Car ton regard me brule”. - „Comment? Veux tu que je m’en vais De ma constellation fidèle? Comprends que je ne meurs jammais, Et toi tu es mortelle!” - „J’ai pas paroles d’enjoument Et ne sait pas te prendre, Quoi que tu parles clairement Je ne peux pas comprendre. Mais si tu veux que je reussis D’aimer ton grand mystère, Soit un mortel comme moi aussi, Descends chez nous sur terre.” - „Tu demendes mon immortalité Pour un baiser en change, Je veux que tu sache comme je suis gré A ton amour, mon ange... Oui, je vais naitre en péché Recevant autre vie, A l’éternel je suis lié, Je veux qu’on me délie!...” Pour accomplir son sacre voeux, Par amour pour une fille, Il partit de son haut lieu, Quitta son harmonie. *** Pendant cette fuite, Catalin, Rusé enfant instable, Qui distribue les coupes de vin Aux invités à table, Un page qui suit pas à pas Les robes de la comtesse, Enfant bâtard et de fracas, Yeux pleins d’ardiesse, Des joues sensibles, fleurissants Comme deux roses fines, S’introduit furtivement, Regardant Cataline. - „Mais qu’elle est belle maintenant Et fière à la danse! Eh, Catalin, ç’est le moment De essayer ta chance”. Comme par hazard il l’embrassa Dans un petit coin, en hâte: - „Quoi, Catalin, veux tu de moi, Va-t-en, garde ta patte!” - „Que je veux? Ne plus rester Pensive comme la lune, De rire plutôt et me donner Une bise, seulement une!...” - „Je ne sais pas meme ce que tu veux, Fiche moi la paix”, dit-elle. „Oh, du Seigneur qui est aux cieux Me ronge l’attente mortelle!.” - „Si tu ne sait pas, je te montrerai L’amour en tout détail, Seulement soit pas ainsi fâchée, Nous sommes pas en bataille. Comme le chasseur dans les bois Tendt aux oiseaux ses pièges, Quand je t’entoure de mon bras Tends moi ton bras de neige... Et tes yeux au dessus de moi, Fixés sur moi qu’ils restent; Quand je t’élève dans mes bras, Fais de réponse un geste. Quand mon visage se tourne en bas, En haut tourne ton visage, Que nous fêtons, couplés comme ça, La gloire de notre âge!... Et pour connaître pleinement De cet amour la braise, Quand je te baise follement, Toi de nouveaux me baise!”... Elle écoutait l’enfant gâté Distraite comme une icône, Mais enchantée, emerveillée, Sans vouloir s’abandonne Et lui dit: „ Depuis l’enfance Je te connais errable, Et bavardeur sans importance, Tu es à moi semblable. Mais un beau astre, apparu De l’oubli du silence, De la grande mer a parcouru La solitude immense. Il brille d’un amour si beau Pour ma douleur éteindre, Quoi qu’il se trouve de moi trop haut, Pour le pouvoir atteindre. Mes paupières se ferment lasses, Car elles sont pleines de larmes, Quand toutes les vagues se deplassent Cherchant de lui le charme. Il arrive triste, a rayons froids, Du monde qui le sépare, Toujours je l’aimerai, mille fois, Aussi lointain et rare. Depuis, les jours sont à mon sein Comme des stèpes de cendre, Mais les nuits ont un charme saint Que je peux plus comprendre”. - „T’es une enfant, ç’est ça je crois, Fuyions dans nos voies basses! Ils oublieront de toi et moi, Ils perderont nos traces; Car tous les deux nous serons sages, Tu oubliera, fantaste, De tes parents revoir l’image Et de languir les astres!” *** Partit Hypérion... Croissaient Dans le ciel ses ailes, Des voies de mille années passaient Comme des secondes rebelles. Ciel d’étoiles au dessus, Au dessous ciel d’étoiles; Semblait un foudre continu Errant des voies astrales. L’espace immense, triomphant, Autour de lui dansait, Comme dans les jours du premier an Des lumières naissaient. Et en naissant elles l’entourent, Des mers de feu en ronde; Il vole, pensée sans détour, Jusqu’à la fin du monde. Ou il arrive il n’y a plus rien, Ni oeil pour connaître, Et le temps cherche toujours en vain Du vide à renaître. Il n’y a rien, et pourtant ç’est Une soif qui l’attire, C’est un abîme de secrets Qui intrigue et inspire. - „Du lourd fardeau de l’éternité Oh, Père, me délie, Et pour toujours que tu soit loué Dans toutes les galaxies! Demande moi n’importe quel prix Mais donne moi autre sort, Car Tu es seul Créateur de vie, Et Créateur de la mort. Reprends le nimbe de saint ange, Le feux de mon discours, Et pour tout ça donne moi en change Un seul moment d’amour!... Du chaos, Père, je fus livré, Je veux rentrer au chaos; Et du repos je suis né, J’ai soif de repos!...” - „Hypérion, quand des soleils Existent par millions, Ne demandes pas signes et merveilles Qui n’ont pas forme ou nom! Tu veux devenir une chose qui pousse, Te ressembler aux hommes, Mais si les hommes périraient tous, Naîtraient encore des hommes. Eux seuls bâtissent dans le vent Des espérances vagues, Quand vagues meurent lentement Derrière naissent vagues. Eux seuls connaissent bien la chance, Les signes d’infortune, Nous n’avons pas ni temps, espace, Ni mort, ni fin... aucune. Au sein de l’éternel hier On connait pas le desastre; Un astre quand s’éteignt, au ciel S’alume un nouveau astre. Semblant toujours à revenir, La mort derrière va le paître Car tous sont nés afin de mourir, Et meurent pour renaître. Et toi, Hypérion, dispère Mais reste à ta place, Tu représentes la forme primaire, Astre parmi les astres. Et pour qui veux tu que tu meurs? Rentre et te dirige Vers ce beau monde enchanteur, Comprends ce que tu exige!...” *** Donc à sa place fixée du ciel Hypérion retourne Et verse encore, ainsi que hier, Sa lumière nocturne. Car le soir tombe au crépuscule Et la nuit commence; La lune s’élève en bascule Dans les cieux immenses Et remplit de ses étincelles Les sentiers du bois; Sous la longue file de hauts tilleuls Deux jeunes gens parlent bas. - „Oh, laisse ma tête sur ton sein Ma chère qu’elle se couche Sous le rayon de l’oeil divin, L’attrait de ta belle bouche. Du charme de la froide idée Dans ma pensée pénètre, Verse le calme de l’Hyménée Sur ma passion d’être. Donne donc sage à ton tours A ma douleur une trêve, Car tu es mon premier amour Et mon ultime rêve”. Hypérion voyait du haut Surprise sur leurs mines; A peine frolée par son bras beau, Le serre sur sa poitrine. Senteur de fleurs argentées Qui tombent, une pluie douce, Au dessus la tête d’une belle fée, Au tresses de cheveux rousses. Elle, ennivrée par son amour, Lève ses yeux qui brillent, Et doucement, et sans détours Ses désirs lui confie. „Descendt sur terre, oh mon doux Prince, Sur un rayon sublime, Pénètre dans ma pensée mince, Ma chance illumine!”... Il tremble alors comme d’habitude Au dessus de bois, colines, En dirigeant la solitude Des vagues sousmarines. Mais tombe plus en plein mystère Aux mers comme un apôtre: - „A quoi t’importe, boule de terre, Que ce soit moi, ou autres! Là bas dans votre vie immonde Gouverne la chance fade: Mon âme reste dans son monde Pure, immortelle et froide... ....... Je n’ai plus qu’un désir J’ai plus qu’un seul désir: Dans le silence du soir: Que l’on me laisse mourir Au bord de la mer noire. Que mon sommeil soit fin Et la forêt toute proche, Que j’aie un ciel serein Au dessus de ses roches. J’ai pas besoin de revanche, J’veux pas riche tombeau, Faîtes moi auprès des eaux Un lit de jeunes branches. Et que personne derrière moi Ne pleure ma perte! L’automne seule donnera Une voix aux feuilles moins vertes. Chantant elle descendera La vague des dunes, Que glisse la lune Au par dessus des bois! Que sonnent les heures, Dans la nuit vent froid, Et au dessus de moi Que les tilleuls s’effleurent! N’étant plus un passant Dans ce monde avare, Me couvriront, troublants, Des reflets de mémoire. Les étoiles qui brillent Au dessus des grands eaux, Etant mes amies Me souriront de nouveau. Gémira de passions De la mer la voix rude, Et moi je serai chanson Dans ma solitude. Passèrent mes ans Passèrent mes ans comme longs nuages sur landes Et plus jamais ne reviendront sur terre; Car ne m’enchantent plus comme me touchèrent Chansons ou contes, devinettes, légendes Que mon cerveau d’enfant émerveillèrent, Les comprenant sans les pouvoir comprendre. Avec ton ombre en vain tu veux me prendre Oh, heure secrète, temps de la prière... En vain la main je pose sur ma lire Pour faire vibrer mon âme exaspérée, Refaire les débris de ma décombre; A l’aube de la jeunesse mes rêves expirent, Muette est la douce voix des jours passés Le temps s’accroit derrière moi... Je sombre. Avec demain tes jours s’accroissent Avec demain tes jours s’accroissent Avec hier ta vie descendt; Tu as pourtant toujours en face L’aujourd’hui du temps présent. Quand quelqu’un passe de ce monde, Un autre arrive pour sa part: Ainsi quand le soleil monte Il doit descendre quelque part. Il semble que les mêmes vagues Traversent toujours le même seuil; Quoi que nous voyons une autre automne Tombent toujours les mêmes feuilles. De toute seconde passagère Cette vérité je la comprends; Elle soutient la vie entière Et fait revivre le néant. Intact est le trésor d’idées Que dans ton âme tu as fondu; Que passe en l’ombre cet année Et disparaisse dans le vécu! Avec demain tes jours s’accroissent, Avec hier ta vie descendt: Tu as pourtant toujours en face L’aujourd’hui du temps présent. Les paysages étincelants Qui se succèdent en filées Reposent toujours inchangeants Sous le rayon de la Grande Idée. Et si... Et si les branches frappent des toits Et les peupliers tremblent, C’est que je me souvienne de toi En nous rêvant ensemble. Si les étoiles frappent le lac Illuminant ses veines, C’est pour chasser pensées opaques, Rendre ma vie sereine. Et si les nuages denses fuissent Et se montre la lune, C’est que délivré de peine je puisse Me rappeler ma „Une”. Tellement fraîche Comme la floraison des pommes, Tellement blanche, tellement fraîche, Un ange tu sors parmi les hommes, Embellissant ma vie si sèche. A peine frôlant le tapis mou, La soie sussure en marchant, A haute allure, aux mouvements doux, Tu flotte légère comme le vent. Devant ton corp mystérieux, Un bloc de marbre sous la lune: Mon âme est fascinée des yeux Si pleins de larmes et de fortune. Oh mon amour, mon élixir, Belle fiancée des contes de fées, Ne souris plus, car ton sourire Me montre combien douce tu es. Comment tu peux de ton auréole Perdre mon âme à jamais, Par tes bien tendres, douces paroles, Par les caresses de tes bras frais. Tout à coup passe une pensée Une ombre sur ton oeil de porphyr, C’est l’abandon de nos projets, C’est le refus de nos désirs. Tu pars et j’ai compris moi-même Ne plus suivre ton parcours; Perdue au lointain extrême La fiancée de mon amour. De t’avoir vu, ce fut mon tort, Je ne me pardonne plus l’élan: J’expierai mon rêve d’or Contraint d’attendre vainement. T’apparaîtra comme une icône De la plus vièrge des Maries, Sur ton beau front portant couronne: Ou t-en vas tu?.. Tu m’a souris?... La prière d’un Dac Du temps ou il n’y avait ni mort, ni immortalité, Ni le noyau de feu, créateur de clarté, Il n’y avait pas demain, toujours, aujourd’hui, Unique était l’ensamble, et tout était uni; Du temps ou tout le monde, la terre et le ciel, Etait genre de choses sans existence réelle, Alors Tu était Seul; et je me demande tout doux Qui donc est ce Dieu à qui nous devons tout? Lui seul était Dieu avant l’avance des dieux, Et dans l’ammas informe planta la force du feu; Il donna âme aux choses, et aux âmes l’action, Lui pour vous, les hommes, offrit rédemption... Levez vous, haut les coeurs, chantez Le d’un seul cri, Il est la mort de la mort et le réveil de la vie! Lui, me donna les yeux pour voire cette clarté Et au fond de mon âme planta la pitié; Dans le bruit du tonnerre je ressentis son pas, Dans la musique des sphères j’ai entendu sa voix: Et pourtant véhément je demande de nouveau Qu’Il permette ma rentrée dans l’éternel repos. Qu’il maudit n’importe qui aurait pitié de moi, Qu’il bénisse seulement qui me met hors la loi, Qu’il écoute toute voix qui voudrait me blâmer, Qu’il donne pouvoir à ceux qui voudraient me tuer; Et celui des humains qu’ici bas soit loué Qui volerait la pierre posée sous mon chevet. Chassé par tout le monde, que je passe mes années, Jusque la larme des yeux sera épuisée; Sentant que dans chaque homme un ennemi va naître Que je parviens moi même à ne me plus connaître; Que les tourments terribles mes sentiments séchèrent Que j’arrive à haïr ma bonne propre mère... Lorsque la haine profonde me semblera désir, J’oublierai ma douleur et je pourrai mourir. Ceux-là qui dans ce monde de ma présence se navrent Au milieu de la rue qu’ils jettent mon cadavre, Et à ceux-là, mon Père, offre coupe de bonheur Qui vont jeter les chiens pour arracher mon coeur! Quant à ceux qui des pierres vont me jeter au visage, Ait pitié mon Dieu et donne leurs un long âge. Ainsi seulemet Père pourrais-je Te remercier De m’avoir donné chance dans ce monde d’exister. En offrant moi tes dons mon cran tu vas pas vaincre, Par la haine et blasphèmes je voudrais te convaincre: Sentir que à Ton soufle ma respiration se casse, Et dans l’éternelle nuit je disparais sans trace. 19. 06. 200 GEORGE BACOVIA (Version réalisée par D.M. PSATTA, 2009) PLOMB Rig ides dormaient les sarcophages de plomb, Les fleurs de plomb, le funéraire complet, Seul dans la tombe j’était et il ventait, Et elles grinceaient les grandes couronnes de plomb. Dormait vaincu mon sacre amour de plomb, Sur fleurs de plomb, sans écouter ma voix, J’étais seul près du mort, il faisait froid, Inertes pendaient ses lourdes ailes de plomb. DECOR Les arbres blancs, les arbres noirs Reposent nus dans le parc solitaire, Décor funèbre, funéraire, Les arbres blancs, les arbres noirs... Dans le parc pleurent regrets bizares. A plumes blanches, plumes noires, Oiseaux criant d’une voix amère Parcourent le ciel solitaire, A plumes blanches, plumes noires... Dans le parc les fantômes transparent. Des feuilles blanches, feuilles noires, Des arbres blancs, des arbres noirs, Des plumes blanches, plumes noires, Décor funebre, funéraire, Dans le parc la neige tombe, rare... LACUSTRE Depuis tant des nuits pleuvoir j’entends, J’écoute la matière pleurant, Je suis seul, et pense devant Vers les humides demeures lacustres. Je pense dormir sur planchets moites, Une vague me frappe dans le dos, Je tressaillis et j’ai l’idée De n’avoir pas pris le radeau. Un vide immense me sépare, Je reste toujours dans le même temps, J’entends avec toute cette bagarre Les fondements en s’écroulant. Depuis tant des nuits pleuvoir j’entends, Tout tressaillant, tout attendant, Je suis seul et pense, craintant, A des humides demeures lacustres. SONET Une nuit moite, lourde, l’on étouffe dehors, Fatigués, pâles dans le brouillard, Brulent affumés des tristes lampadares, Comme dans une sale taverne qui s’endort. Dans les faubourgs la nuit est encore plus noire, L’eau des pluies au bas des taudis sort, Et l’on entendt la toux d’un presque mort, Les vieux murs s’écroulent dans la mare. Je rentre à la maison comme Edgar Poe, Ou comme Verlaine, brisé par la boisson, Rien ne me trouble plus de son écho... Les pas tremblants me donnent des frissons, Je tombe, retombe en proférant des mots, Dans le silence obscure de ma maison. TABLEAU D’HIVER Il neige terriblement à l’abatoire... Du sang si chaud s’écoule au canal, La neige est pleine de restes animales, Il neige toujours sur un triste patinoir. Le blanc semble brulé par du sang cuit, Dans le sang se promenant les corbeaux sussent, Après, quand il fait tard, ils s’enfuissent, Aux champs, sur l’abatoire descendt la nuit. Il neige toujours dans le sombre horizon, Aux fenêtres froides surgissent des lumières, Vers l’abatoire les loups se dirigèrent, C’est moi, ma mie, à ton gelé balcon. VERS L’ AUTOMNE Par les chemins en fuite Au temps de l’automne Une idée finite Dans ma pensée résonne: „Disparais plus vite! „ A la porte de ma bien aimée Je frappe nerveux, Je l’appelle regarder Le feuillage pluvieux. Regarde, il est mort un juif, Ils pleurent dans la boue mole et beige, Des murmures étranges, sémites... Je m’ajoute aussi au cortège. Personne ne comprendt quelque chose, Je m’enfonce dans une boîte, a écrir, Ou je rentre à ma maison morose Comme dans un cercueil, pour mourir. Toujours délirant Au temps de l’automne, Une pensée en m’endormant Ordonne: “Vas- t- en maintenant!” PALISSANT Je suis le solitaire des vides marchés A tristes ampoules avec pâles lumières, Quand les sons de l’horloge dans la nuit réverbèrent, Je suis le solitaire des vastes marchés. Compagnes me sont le rire hideux et de l’ombre, Effrayant les chiens vagabonds dans les rues, Sous les tristes ampoules à rayons pâles, confus, Compagnes me sont le rire hideux et de l’ombre. Je suis le solitaire des tristes marchés A jeux de lumière qui donnent la folie, Pâlissant, entre silence et paralisie, Je suis le solitaire des sombres marchés. DECEMBRE Regarde comme il neige le décembre, Par la fenêtre ma chère regarde, Demande d’apporter de la braise, Alumer le feux à la garde... Approche le fauteuil de la poêle, En elle que j’écoute l’orrage, Ma vie lui est presque égale, Je voudrais apprendre sa rage. Demande d’apporter la tizanne Et vient près de moi plus sereine, Qu-il vente ou qu-il tombe la neige, Lit moi quelque chose de lointaine. Comme il est chaud ton foyer, Dedans toutes les choses me sont saintes! Regarde comme il neige le décembre, Rie plus, lit moi ces complaintes. Du jour, et il fait encore sombre, Dis leurs d’apporter une lampe, Regarde, la neige est si grande, La glace a bloqué nôtre clampe. Je ne rentre plus dans ma chambre, Déluge est devant, arrière, Regarde neigeant le décembre, Rie pas, lit moi altière.... SOIREE TRISTE Barbare le chant de cette femme Très tard, dans la taverne inculte, Barbare chanson pleine d’amertume, Autours il y avait un grand tumulte; Comme dans une boîte dans la brume Barbare le chant de cette femme. Barbare le chant de cette femme, Et nous, une bande lâche et triste, Qui dans le nuage des cigarres Pensions à des mondes qui non existent Et comme une satanique fanfare Barbare le chant de cette femme. Barbare chantait la femme légère Autours il y avait une telle bagarre... Et nous restâmes ainsi minables Et nous pleurâmes les fronts sur tables, Quand parmi nous, dans cette gare, Barbare chantait la femme légère. 09.09.2009 EMIL BLAGA (Version réalisée par D.M. Psatta, 2009) JE N’ECRASE PAS LE NIMBE...... Je n’écrase pas le nimbe de merveilles du monde Et ne tue pas Dans ma pensée les mystères Que je rencontre Dans les yeux, les fleurs, les bouches et les cryptes... La lumière des autres Etouffe la fascination de l’incompris Caché dans les abîmes des ténèbres, Mais moi, avec ma lumière j’accrois Le sense caché du monde; Et, comme la lune qui avec blancs rayons Accroit encore les mythes de la nuit, Je enrichis le sombre horizon Avec des larges ondes de saint mystère, Et tout ce qui est inconnu Deviens plus dense encore dans ma pensée,Car moi j’adore les yeux, les fleurs, les bouches et les cryptes. JE VOEUX DANSER Je voeux danser comme je n’ai jamais dansé, Afin que Dieu Ne se sente pas en moi Esclave dans une prison. Oh, terre, donne moi des ailes, Une flèche je voeux devenir Volant vers l’infini, Ne voir que le ciel au dessus de moi, Et du ciel au dessous. Puis, innondé de lumière, Que je dense Poussé par des élans immenses, Afin que Dieu puisse respirer libre en moi, Ne se sentant plus Un prisonnier en chaines. SILENCE Il y a tant de silence autour... j’entends Frappant les vitres des rayons de la lune. En moi, Un étranger éveillé Pousse un soupir qui n’est pas le mien... L’on dit que les ailleuls Morts avant terme Reviennent avec un sang ardent De passions, de soleil, Pour vivre en nous leur vie inachevée. Il y a tant de silence autour, Que j’entends les rayons de la lune Frappant les vitres. Qui sait, mon âme, dans quelle poitrine Tu chantera une fois, après des siècles, Sur les cordes douces des harpes nocturnes, Ton élan étranglé, Ta joie de vivre... UNE AUTOMNE VIENDRA L’automne viendra une fois, très tard, Qund toi mon amour, tu embrassera mon cou Comme une couronne de fleurs sèches Le pilier blanc de marbre d’une crypte. L’automne viendra qui arrachera le printemps De tes nuits, de ton corp, de ton front, de tes désirs... Pâlissant pétales et aurores, Te laissant seulement les couchants tristes et lourds. Cette automne viendra-t-elle vilaine Prendre toutes les fleurs que tu a jamais eu, En dehors de ceux-là Que tu a éparpillé Sur le tombeau de ceux qui partaient, Avec ton printemps. PAN Couvert par des feuilles sèches, sur un rocher gît Pan. Il est vieux, aveugle, Ses paupières sont en pierre; Il essaye en vain cligner des yeux, Car il se sont fermé - comme les escargots en hiver. Des gouttes chaudes de rosée tombent sur ses lèvres: Une, deux, trois... La nature nourrit son Dieu. Oh, Pan! Je le vois prendre une branche, Caressant les bourgeons qui émergent. L’agneau approche par des buissons, L’aveugle l’entend et sourit; Car il n’a Pan plus grande félicité Que prendre dans ses mains la tête des agneaux Cherchant petites cornes dans les boutons de laine. Silence. Autours les grottes bâillent sommeillantes, Il se détendt, emprunte leur bâillement, Et se dit: „Les gouttes de la rosée sont grandes et chaudes, Les cornes des agneaux poussent, Les bourgeons grossissent... Cerait-ce le printemps?” PASSION Le verger s’enfonce dans son sommeil; De ses cils d’herbes tombent des larmes de feu: Les lucioles. En haut, du réseau des nuages Monte la lune. Ma nuit tendt vers toi ses mains d’automne Et, à l’écume de lumière des lucioles, Je saisis dans mon coeur ton sourire: Ta bouche est un raisain glacé. Le fin contour de la lune seul Serait aussi froid Si je pouvais le baiser, Comme je baise ta bouche. Tu est si près. Dans la nuit je sens battement de paupières. L’ ETE Loin, à l’horizon, des foudres silencieux Jaillissent de temps en temps, Comme les membres d’une arraignée Etirés de leur corp. Canicule. La terre entière est une surface de blé, Murmure de sauterelles. Au soleil, les épis tiennent dans leurs bras les grains Comme des nourissons. Le temps détendt oisif ses secondes, S’endort parmi fleurs d’opium; A son oreille chante une cigale. LE VIEUX MOINE ME PARLE DU SEUIL Jeune homme qui passe dans l’herbe de mon couvent, Y a- t-il encore jusque au couchant du soleil? Je voeux rendre mon âme, Avec les serpents écrasés à l’aurore Par les bâtons des bergers. Ne me suis-je pas débattu dans la poussière comme eux? Ne me suis-je pas réchauffé comme eux au soleil? Ma vie a été tout ce que tu voeux: Parfois bête, Parfois fleur, Parfois une cloche en querelle avec le ciel. A présent je me tait, et la voix de la tombe Sonne à mon oreille, comme une cloche profonde. J’attends sur le seuil la fraîcheur de la fin. Y a t il encore? Approche, jeune homme, Prends une poignée de poussière, Verse la sur ma tête en guise d’eau et de vin, Baptise moi avec de la terre. L’ombre de la lune passe sur mon coeur. L’AME DU VILLAGE Enfant, mets ta main sur mes genoux. L’éternité naquit au village. Ici, toute pensée est plus lente, Le battement du coeur même est plus rare, Comme si–l frappait profondément dans la terre. Ici l’on guérit de la soif de pardon, Et si tes pieds sont ensanglantés, Tu peux marcher sur des plateformes d’argile. Regarde, il fait soir, L’âme du village voltige tout autours, Comme une odeur discrète d’herbe coupée, Comme un fil de fumée au dessus des toits de paille, Comme un jeu de chevreaux sur des tombes anciennes. . LETTRE Je ne t’écrirais pas même aujourd’hui ces lignes, Mais le coq a chanté trois fois dans la nuit Et j’ai du m’écrier: Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi t’ai-je donc trahi? Je suis plus vieux que toi, maman, Et tel que tu me connais: Un peu courbé du dos, Penché sur les erreurs du monde. Pourquoi m’as tu envoyé dans la lumière? Seulement pour me promener parmi les choses, Leurs rendre justice en disant Quelles sont les plus vraies et plus belles? Je m’arrête, c’est trop peu. Pourquoi m’as tu envoyé dans la vie, mère? Pourquoi m’as tu envoyé? Je tombe à tes pieds, Lourd comme un oiseau mort. JE NE SUIS PAS FILS DE L’ACTION Vous êtes nombreux fils de l’action, Partout sur les routes, sous le ciel, dans les villes; Moi seul reste ici inutile, pitoyable, Bon à être noyé dans les eaux. Et pourtant j’attends; depuis longtemps j’attends Qu’il passe un voyageur très bon, assez bon pour lui dire: Oh, ne me scrute pas, Ne me condamne pas, Je pousse parmi vous, mais les fruits de mes mains Apparaissent autre part. Ne me maudissez pas, ne me maudissez plus…. Ami des profondeurs, Camarade du silence, Jeu au dessus des faits, Parfois comme une flutte ancienne, Je m’envoie en guise de chanson vers la mort. Inquiet me regarde mon frère, Etonnée me rencontre ma soeur, Mais, blottit à mes pieds, Ecoute et me comprend lui, le Serpent, Les yeux toujours entrouverts Vers la sagesse d’au delà. ELEGIE Le même ruisseau, les mêmes feuilles tremblent Dans le ding dong de l’ancien horloge ; Dans quel pays, dans quel sommeil est tu, Divine reposant dans quelle loge? Tous les chemins que tu as parcourus Débordent de loin en moi; Le miroir garde ton image, Quand tu t-en vas. Sans pensée, sans élan, sans paroles J’essuie la glace de mes fenêtres; Un voisin à mon mur aux aguets Regarde la noire patience de mon être. CHANSON POUR 2000 Le vautour qui fait de larges tours Sera alors mort à son tour. Près de Sibiu, dans les vallons Seulement les chênes persisteront. Est-ce-que quelqu’un rappellera Un étranger, pensant à moi? Je m’imagine n’importe qui Et sa raconte serait ainsi: Ici passait et re-passait peureux L’ami des papillons et de Dieu. EPITAPH Ici bas le chemin est difficile à trouver, Personne ne vous dirige. Un moment seulement, très tard, Un moment oublié à son tour, Vous rappelle Les insoupçonnables passages. Puis comme la feuille sèche tu descends, Et tire de la terre au dessus de toi, Une sévère paupière. Les saintes mères, Les lumières De sous la terre, Avec tes mots Te des-altèrent. (28.10.2009) |
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