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- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - 2009-02-01 | [Acest text ar trebui citit în francais] | Înscris în bibliotecă de Ujog Marius
Tant de raisonneurs ayant fait le roman de l'âme, un sage est venu qui en a fait modestement l'histoire. Locke a developpé à l'homme la raison humaine, comme un excellent anatomiste explique les ressorts du corps humain. Il s'aide partout du flambeau de la physique, il ose quelquefois parler affirmativement, mais il ose aussi douter. Au lieu de définir tout d'un coup ce que nous ne connaissons pas, il examine par degrés ce que nous voulons connaître. Il prend un enfant au moment de sa naissance, il suit pas à pas
les progrès de son entendement; il voit ce qu'il a de commun avec les betes, et ce qu'il a au-dessus d'elles; il consulte surtout son propre témoignage, la conscience de sa pensée. "Je laisse, dit-il, à discuter à ceux qui en savent plus que moi, si notre âme existe avant ou après l'organisation de notre corps; mais j'avoue qu'il m'est tombé en partage une de ces âmes grossières qui ne pensent pas toujours, et j'ai meme le malheur de ne pas concevoir qu'il soit plus nécessaire à l'âme de penser toujours, qu'au corps d'etre toujours en mouvement." Pour moi je me vante de l'honneur d'etre en ce point aussi simple que Locke. Personne ne me fera jamais croire que je pense toujours; et je ne me sens pas plus disposé que lui à imaginer que quelques secondes après ma conception j'etais une fort savante âme, sachant alors mille choses que j'ai oubliées en nnaissant, et ayant fort inutilement possédé des connaissances qui m'ont échappé dès que j'ai pu en avoir besoin, et que je n'ai jamais bien pu rapprendre depuis. Locke, aprés avoir ruiné les idées innées, aprés avoir bien renoncé à la vanité de croire qu'on pense toujours, ayant bien établi que toutes nos idées nous viennent par le sens,ayant examiné nos idées simples, celles qui sont composées, ayant suivi l'esprit de l'homme dans toutes ses opérations, ayant fait voir combien les langues que les hommes parlent sont imparfaites et quel abus nous faisons des termes à tout moment; Locke, dis-je, considère enfin l'étendue, ou plutot le néant des connaissances humaines. C'est dans ce chapitre qu'il ose avancer modestement ces paroles: "Nous ne serons peut-etre jamais capables de connaître si un etre purement matériel pense ou non". Ce discours sage parut à plus d'un théologien une declaration scandaleuse que l'âme est matérielle et mortelle. Si j'osais parler après M. Locke sur un sujet si délicat, je dirais: Les hommes disputent depuis longtemps sur la nature et sur l'immortalité de l'âme; à l'égard de son immortalité, il est impossible de la demontrer, puisqu'on dispute encore sur sa nature, et qu'assurementil faut connaître à fond un etre crée, pour décider s'il est immortel ou non. La raison humaine est si peu capable de démontrer par elle-meme l'immortalité de l'âme, que la religion a été obligée de nous la révéler. Le bien commun de tous les hommes demande qu'on croie l'âme immortelle: la foi nous ordonne; Il n'en faut pas d'avantage, et la chose est preque decidée. Il n'en est pas de meme de sa nature; il importe peu à la religion de quelle substance soit l'âme, pourvu qu'elle soit vertueuse. C'est un horloge qu'on nous a donnée à gouverner; mais l'ouvrier ne nous a pas dit de quoi le ressort de cette horloge est composé. Je suis corps et je pense, je n'en sais pas davantage. Si je ne consulte que mes faibles lumières, irai-je attribuer à une cause inconnue ce que je puis si aisément atribuer à la seule cause seconde que je connais un peu? Ici tous les philosophes de l'école m'arretent en argumentant, et disent: "Il n'y a dans le corps que de l'étendue et de la solidité, et il ne peut avoir que du mouvement et de la figure. Or, du mouvement, de la figure, de l'étendue et de la solidité ne peuvent faire une pensée; donc l'âme ne peut pas etre matière. "Tout ce grand raisonnement répété tant de fois se réduit uniquement à ceci: "Je ne connais que très peu de chose de la matiére, j'en devine imparfaitement quelques propriétés: or je ne sais point du tout si ces propriétés peuvent etre jointes à la pensée; donc, parce que je ne sais rien du tout, j'assure positivement que la matiére ne saurait penser." Voilà nettement la maniére de raisonner de l'école. M. Locke dirait avec simplicité à ces messieurs: "Confessez du moins que vous etes aussi ignorants que moi: votre imagination ni la mienne ne peuvent concevoir comment un corps a des idées; et comprenez-vous mieux comment une substance, telle qu'elle soit, a des idées? Vous ne concevez ni la matiére ni l'esprit, comment osez-vous assurer quelques chose? Que vous importe que l'âme soit un de ces etres incomprehensibles qu'on appelle esprit? Quoi! Dieu, le créateur de tout, ne peut-il pas éterniser ou anéantir votre âme à son gré, quelle que soit sa substance? Le superstitieux vient à son tour, et dit qu'il faut bruler pour le bien de leurs âmes ceux qui soupçonnent qu'on peut penser avec la seule aide du corps; mais que dirait-il si c'était lui-meme qui fut coupable d'irréligion? En effet, quel est l'homme qui osera assurer, sans une impiété absurde, qu'il est impossible de donner à la matiére la pensée et le sentiment? Voyez, je vous prie, à quel embarras vous etes réduits, vous qui bornez ainsi la puissance du Créateur. Les betes ont les memes que nous, les memes perceptions; elles ont de la mémoire, elles combinent quelques idées. Si Dieu n'a pas pu animer la matiére, et lui donner le sentiment, il faut de deux choses l'une, ou que les betes soient de pures machines, ou qu'elles aient une âme spirituelle. Il me paraît démontré que les betes ne peuvent etre de simples machines; voici ma preuve: Dieu leur a fait précisément les memes organes de sentiment que les notres; donc si elles ne sentent point, Dieu a fait un ouvrage inutile; or Dieu, de votre aveu meme, ne fait rien en vain; il n'a point fabriqué tant d'organes de sentiment, pour qu'il n'y eut point de sentiment; donc les betes ne sont point de pures machines. Les betes, selon vous, ne peuvent pas avoir une âme spirituelle; donc malgré vous il ne reste autre chose à dire, sinon que Dieu a donné aux organes des betes, qui sont matiére, la faculté de sentir et d'apercevoir, que vous appelez instinct dans elles. Et qui peut empecher Dieu de communiquer à nos organes plus déliés cette faculté de sentir, d'apercevoir et de penser, que nous appelons raison humaine? De quelque coté que vous vous tourniez, vous etes obligés d'avouer votre ignorance, et la puissance immense du Créateur. Ne vous révoltez donc plus contre la sage et modeste philoshopie de Locke: loin d'etre contraire à la religion, elle lui servirait de preuve, si la religion en avait besoin; car quelle philoshopie plus religieuse, que celle qui, n'affirmant que ce au'elle conçoit clairement, et sachant avouer sa faiblesse, vous dit vous dit qu'il faut recourir à Dieu, dès qu'on exa,ine les premiers principes? D'ailleurs, il ne faut jamais craindre qu'aucun sentiment philosophique puisse nuire à la religion d'un pays. Nos mystères ont beau etre contraires à nos démonstrations, il n'en sont pas moins révérés par nos philosophes chrétiens, qui savent que les objets de la raison et de la foi sont de différente nature. Jamais les philosophes ne feront une secte de religion: pourquoi? c'est qu'ils n'ecrivent point pour le peuple, et qu'ils sont sans enthousiasme. Divisez le genre humain en vingt parts, il y en dix-neuf composées de ceux qui travaillent de leurs mains, et qui ne sauront jamais s'il y a eu M. Locke qu monde; dans la vingtièmepartie qui reste, combien trouve-t-on peu des hommes qui lisent? et par,i ceux qui lisent, il y en a vingt qui lisent des romans, contre un qui etudie en philosophie. Le nombre de ceux qui pensent est excessivement petit, et ceux-là ne s'avisent pas de troubler le monde. Ce ni Montaigne, ni Locke, ni Bayle, ni Spinoza, ni Hobbes, ni milord Shaftesbury, ni M. Collins, M. Toland, etc. qui ont porté le flambeau de la discorde dans leur patrie; ce sont, pour la plupart, des théologiens, qui, ayant eu d'abord l'ambition d'etre chefs de sectes, ont eu bientot celle d'etre chefs de partis. Que dis-je? tous ces livres des philosophes modernes mis ensembles ne feront jamais dans le monde autant de bruit seulement qu'on a fait autrefois la dispute des cordiliers sur la forme de leurs manches et de leur capuchon. |
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