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LE RHIN
poezie [ ]

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de [HÖLDERLIN,_Friedrich ]

2008-06-16  | [Acest text ar trebui citit în francais]    |  Înscris în bibliotecă de Guy Rancourt



à Isaac von Sinclair

Parmi le sombre lierre je m’assis, à la porte
De la forêt, précisément, quand le midi doré,
Visitant la source, descendait
Les marches du massif alpin
Qui, pour moi, le divinement bâti,
La citadelle des Célestes se nomme
Selon l’ancienne opinion, mais où
En secret bien des choses encore décidément
Atteignent les hommes ; de là
Ai-je perçu sans m’en douter
Un destin, car encore à peine
M’était, dans l’ombre chaude
Discutant avec elle-même de bien des choses, l’âme
Cambrée vers l’Italie
Et partie au loin sur les côtes de Morée.

Mais à présent, au-dedans du massif,
Tout au fond sous les cimes argentées
Et sous la joyeuse verdure,
Où les forêts frissonnant vers lui,
Et les têtes des rocs les unes au-dessus des autres
Regardent en bas, à longueur de journée, là-bas
Dans le plus froid abîme j’entendis
Gémissant après la délivrance
L’adolescent, on l’entendait, comment il rageait,
Et accusait la Terre Mère,
Et ce Tonnant qui l’engendra,
Apitoyant les parents, cependant
Les mortels fuyaient ce lieu,
Car horrible était-elle, quand privé de lumière il
Se roulait dans les entraves,
La fureur du demi-dieu.

La voix était-ce du plus noble des fleuves,
Du Rhin librement-né,
Et autre chose espérait-il quand là-haut, des frères,
Du Tessin et du Rhône,
Il se sépara et voulut émigrer, et impatiente
Vers l’Asie le pressait l’âme royale.
Pourtant est insensé
Le souhait face au destin.
Mais les plus aveugles
Sont les fils des dieux. Car il connaît, l’homme,
Sa maison, et pour la bête il y eut où
Pouvoir la bâtir, pourtant à ceux-là est
Le manque, qu’ils ne sachent où aller,
Mis en l’âme inexperte.

Une énigme est le surgissant pur. Même
Au chant est à peine permis de le dévoiler. Car
Tel que tu débutais vas-tu demeurer,
Si fortement qu’agis la nécessité,
Et la discipline, le plus en effet
Influe la naissance,
Et le rayon de lumière qui
Rencontre le nouveau-né.
Mais où en est-il un
Pour demeurer libre
Sa vie durant, et le souhait du cœur
À combler seul, ainsi
Des hauteurs propices, tel le Rhin,
Et ainsi d’un giron sacré
Heureusement né, tel celui-ci ?

C’est pourquoi est un cri de joie sa parole.
Il n’aime pas, tel d’autres enfants,
Pleurer dans ses langes ;
Car, où les rives tout d’abord
Au côté lui glissent, les sournoises,
Et assoiffées l’enlacent,
L’imprudent, pour l’attirer
Et certes pour désirer le garder
Sous leurs propres crocs, en riant
Déchire-t-il les serpents et se précipite
Avec la proie, et si en hâte
Un plus grand ne l’apprivoise pas,
Le laisse croître, tel l’éclair doit-il
Fendre la terre, et telles qu’envoûtées s’enfuient
Les forêts à sa suite et s’effondrent les montagnes.

Mais un dieu veut épargner aux fils
La vie hâtive et sourit
Quand, intempérants mais ralentis
Par les Alpes sacrées, contre lui
Dans les profondeurs, tel celui-là, s’irritent les fleuves.
Alors en un tel fourneau
Se forge aussi tout métal sans alliage,
Et c’est beau, comment ensuite,
Après qu’il a délaissé les montagnes,
Cheminant calmement en pays allemand, il se
Contente et calme la nostalgie
Par de bonnes affaires, quand il bâtit le pays,
Le Père, le Rhin, et nourrit de chers enfants
Dans les cités qu’il a fondées.

Pourtant jamais, jamais ne l’oublie-t-il.
Car doit plutôt s’effacer l’habitation,
Et le statut, et devenir informe
Le jour des hommes, plutôt que soit permis
À un tel d’oublier l’origine
Et la voix pure de la jeunesse.
Qui fut-il, le premier
À corrompre les liens de l’amour
Et faire d’eux des cordages ?
Alors leur propre droit
Et bien sûr le feu céleste les ont
Moqués les obstinés, dès l’abord
Méprisant les voies mortelles ont-ils
Choisi la témérité
Et aspiré à devenir semblables aux dieux.

Mais ils en ont, de leur propre
Immortalité, bien assez les dieux, et exigent-ils,
Les célestes, une seule chose,
Ce que sont les héros et les hommes
Et les mortels à l’ordinaire. Car, en effet
Les bienheureux ne ressentant rien par eux-mêmes,
Il faut bien, si dire une telle chose
Est permis, qu’au nom des dieux
Compatissant ressente un autre,
Ils ont besoin de lui ; toutefois leur justice
Est que sa propre maison
Il la renverse, et que les plus chers
Il les invective comme ennemis, et que père et enfants
S’ensevelissent sous les décombres,
Si quelqu’un, comme eux, veut être et ne pas
Tolérer la dissemblance, l’exalté.

C’est pourquoi lui est un bien, à celui qui trouva
Un destin bien départi,
Où là encore, des migrations
Et, suave, des souffrances, le souvenir
Retentit au sûr rivage,
Qu’ici et là-bas il veuille bien
Voir jusqu’aux frontières,
Celles qu’à la naissance un dieu
Lui a tracées pour le séjour.
Alors se repose-t-il, heureusement modeste,
Car tout ce qu’il voulait,
Le céleste, de lui-même l’embrasse
Indompté, souriant
À présent, quand il se repose, à cet audacieux.

Les demi-dieux je pense à présent
Et je dois connaître les bien-aimés,
Souvent en effet leur vie ainsi
Me remue l’ardente poitrine.
À qui pourtant, comme, Rousseau, à toi,
Invincible était l’âme,
La fort-persévérante,
Et le sens assuré
Et le suave don d’écouter,
De dire ainsi, que par plénitude sacrée
Tel le dieu du vin, follement divine
Et sans statut, elle, la langue des plus purs, il la rende
Intelligible aux bons, mais avec raison
Frappe d’aveuglement les irrespectueux,
Les serviles profanateurs, comment nommerai-je cet étranger?

Les fils de la Terre sont, tels la Mère,
Aimant toutes choses, ainsi reçoivent-ils aussi
Sans effort, les heureux, toutes choses.
C’est pourquoi ça surprend aussi
Et terrifie l’homme mortel,
Quand au ciel, celui
Qu’avec des bras aimants
Il s’est amassé sur les épaules,
Et au poids de la joie, il pense ;
Alors lui paraît souvent le meilleur,
Presque tout à fait oublié là,
Où le rayon ne brûle pas,
D’être dans l’ombre de la forêt
Près du lac de Bienne, dans la fraîche verdure,
Et insouciant pauvre en chansons,
Pareil au débutant, d’apprendre auprès des rossignols.

Et c’est magnifique, sortant du sommeil sacré, alors
De se redresser et, sortant de la fraîcheur de la forêt
En s’éveillant, maintenant au soir
D’aller à la rencontre de la lumière plus douce,
Quand, lui qui bâtit les montagnes
Et traça la voie aux fleuves,
Après que souriant aussi
À la vie affairée des hommes,
L’essoufflée, telle une voile
Avec ses brises il l’a dirigée,
Lui aussi se repose, et vers l’écolière à présent,
Le formateur, trouvant plus de bien
Que de mal,
Vers la terre d’aujourd’hui le jour s’incline. —

Alors fêtent-ils les noces, hommes et dieux,
Ils fêtent, tous les vivants,
Et en équilibre
Est un moment le destin.
Et les fugitifs cherchent le refuge,
Et doux sommeil les braves,
Mais les amants
Sont ce qu’ils furent, ils sont
À la maison, où la fleur se réjouit
D’un inoffensif brasier, et les sombres arbres
L’esprit les entoure d’un murmure, mais les irréductibles
Sont tout changés, et se hâtent
Plutôt de se tendre la main,
Avant que l’amicale lumière
Ne tombe et que la nuit vienne.

Cependant pour les uns se hâte
Cela, vite passé, d’autres
Le gardent plus longtemps.
Les dieux éternels sont
Pleins de vie tout le temps ; mais jusque dans la mort
Un homme peut aussi
En mémoire garder cependant le meilleur,
Et alors connaît-il le plus haut.
Chacun n’a que sa mesure.
Car lourd à porter est
Le malheur, mais plus lourd le bonheur.
Mais un sage fut capable,
De midi jusqu’au milieu de la nuit,
Et jusqu’à ce que le matin resplendît,
Au banquet de demeurer lucide.

Pour toi peut-il, sur la voie brûlante sous les pins ou
Dans l’obscurité de la forêt de chênes revêtu
D’acier, mon Sinclair ! apparaître, Dieu, ou
Dans les nuées, tu le connais, là tu connaissais, juvénile,
La force du bien, et jamais ne t’est
Dérobé le sourire du souverain,
De jour quand
Fébrile et enchaîné
Paraît le vivant, ou bien aussi
De nuit quand il est tout emmêlé
Sans ordre et que revient
L’immémoriale confusion.

(Friedrich Hölderlin, traduction française de Patrick Guillot du poème « Der Rhein »)

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